01 Dec

Direction la prison !

Publié par Alain Piquet

En étant aux Etats-Unis ça semble tout naturel d’expérimenter la prison… Et quoi de plus mythique que de visiter celle d’Alcatraz…

Nous voilà donc de retour à San Francisco avec en point de mire la visite du rocher (« The Rock »).

Les cheveux au vent nous voilà donc en route pour cette petite île d’environ 9 hectares.

Elle doit son nom aux nombreux pélicans (alcatraces en espagnol) qui avaient trouvés refuge sur ce bout de terre en plein milieu de la baie de San Francisco.

Dans ses premiers instants, Alcatraz fut d’abord un point stratégique ou fut construite une forteresse militaire. Durant cette période, le phare, le plus ancien encore en activité des Etats-Unis, fut également construit.

Petits souvenirs du fort d'Alcatraz...

Après la guerre de Sécession, dès 1868, Alcatraz accueille des prisonniers militaires.

En 1909, elle devient officiellement une prison militaire suite au départ des troupes de défense présentes sur l’île.

Mais Alcatraz comme on l’imagine n’est pas cette prison militaire, c’est bien la prison civile accueillant les plus grands criminels, le plus connu d’entre eux Al Capone.

Dès 1933, le statut de la prison change et elle accueille des prisonniers civils parmi les plus dangereux qui soient.

La situation géographique de l’île peut expliquer le fait qu’elle ait été maintenue comme prison. De part son isolement, les vents glaciaux y soufflant en permanence, ses eaux glaciales l’entourant c’est un endroit idéal pour, tout en offrant une vie pour le moins désagréable aux prisonniers, rendre toute évasion difficile voire impossible.

Cependant, si on parle d’accueillir d’éventuels prisonniers il faut donc prendre en compte un autre aspect… Les gardiens et leurs familles.

Commençons le tour de ce bagne par la partie qui faisait office de lieu de vie à de nombreux gardiens accompagnés de leurs familles.

Bien que le climat n’y soit pas agréable, les gardiens vivaient sur cette île. Il y avait une « Eglise », une école, des habitations et des bureaux pour tout ce personnel.

Il y avait également, en plus du réfectoire, une usine de textile installée pour faire travailler les détenus. Un poste de garde, nous fait prendre conscience qu’ici rien n’était laissé au hasard.

Certains de ces bâtiments tombent en ruine à cause de la météo et de l’air salin constamment présent.

Il est maintenant temps de pénétrer dans l’antre de la forteresse, la prison.

Ce lieu, hautement touristique depuis la fermeture de la prison en 1963, nous propose une visite guidée, accompagnée d’audiophones, nous plongeant réellement dans l’ambiance. Plein de petites histoires sur les différents endroits de la prison, d’anecdotes, ce moment vaut réellement le détour.

C’est tout de suite une atmosphère assez étrange et particulière qui s’empare de nous une fois les grilles et différentes portes franchies.

On sait qu’on est en visite mais pourtant on se sent oppressés à l’étroit entre ces murs, le long de ces couloirs.

L’ironie veut que les allées de cellules de cette prison portent des noms de fameuses rues ou quartiers de l’extérieur, du monde libre.

C’est d’ailleurs en pénétrant dans ces cellules qu’on se rend compte qu’il ne fait pas bon être prisonnier. Un espace plus que restreint, des barreaux devant, des murs autour, un confort plus que minimum voire précaire. On est bien loin de certaines prisons « de luxe »modernes. Lits et mobilier de fortune, luminosité faible, toilettes faisant partie intégrante de la pièce… Y rentrer c’est immédiatement avoir la crainte que la grille ne se referme et de ne plus pouvoir sortir… Non on n’y passerait pas des jours !

Même dans cette partie très sécurisée de l’île, les prisonniers avaient leurs habitudes. Ce n’étaient pas de grands privilèges, car la prison se voulait être un modèle de rigueur, cependant une certaine routine était en place. Pour aller manger, pour avoir des activités ludiques comme la peinture et la musique, pour aller se promener dans la cour et même faire du sport quelques heures par semaine dans cette même cour. Il y avait même une bibliothèque pour les détenus désireux de passer leur temps autrement.

Mais même ici on sent que la liberté n’est pas de mise. Et ce n’est pas le vent glacial qui nous contredira…

Il est aussi très révélateur de voir la prison sous ses différents aspects, l’un du côté prisonnier, l’autre du côté de la famille des prisonniers. Voir le petit parloir, voir le poste d’accueil de la prison montre à quel point tout est fait non seulement pour ne prendre aucun risque, mais également pour rappeler aux détenus leur condition d’incarcérés.

Mais la vie dans la prison n’est pas toujours aussi calme et organisée que cela. C’est ce qui arrive quand on héberge les plus dangereux criminels du pays. Ils se rebellent, transgressent les règles, cherchent à s’évader.

Le tour audio nous apprend que des émeutes ont eut lieu au cours des différentes années. Certaines ont coûté la vie à des détenus, d’autres à des gardiens. C’est la fameuse bataille d’Alcatraz en 1946 qui a nécessité l’intervention de l’armée pour lever le siège.

Officiellement personne n’a jamais réussi à s’évader d’Alcatraz. Certains ont réussi à atteindre la baie de SF mais dans en état d’hypothermie, ils ont donc été rapidement capturés et remis en cellule.

Cependant, certains autres, qui n’ont jamais été retrouvés, ont été présumés disparus et mort noyés. Reste donc un mystère quant à ces détenus là.

Une des évasions les plus impressionnante nous est racontée via le casque des visiteurs. Le tout accompagné d’une reconstitution du travail des évadés dans les cellules. Il s’agit de l’évasion de Frank Morris et des frères Anglin. Ils se sont évadés via les bouches d’aération en laissant dans leur matelas des fausses têtes en papier mâché. Ils n’ont jamais été retrouvés bien que des effets personnels ainsi qu’un corps, non identifiable, portant des vêtements de la prison, aient été repêchés dans la baie. Ils sont donc naturellement présumés disparus et noyés mais qui sait… C’est certainement ce mystère qui a inspiré le film L’Evadé d’Alcatraz avec Clint Eastwood.

Alcatraz a aussi été le lieu d’un autre siège lors de l’année 1969. Des étudiants amérindiens soucieux de faire entendre leur cause et de montrer au grand public que leur culture et leurs croyances devaient être reconnues à juste titre ont investis l'île.

Pendant plus d’un an et demi, avant leur expulsion par les forces fédérales, ils illustraient bien leur slogan : « We hold the Rock » (« Nous tenons le Rocher »).

Peu ébruitée lors de la visite il reste néanmoins quelques traces de cette occupation et ce dès l’arrivée sur l’île.

Pourquoi alors cette prison réputée inviolable a-t-elle fermée en 1963 après 29 ans seulement de services ?

La raison est simple : l’aspect financier. Aussi vrai que la prison de part sa situation géographique est idéale pour contenir des détenus dangereux, ce même aspect est un désavantage important quand il s’agit d’alimenter la prison en électricité, et surtout en eau potable. L’île n’étant pourvu d’aucun système d’assainissement de l’eau 3 millions de litre devaient donc être apportés par semaine pour subvenir aux besoins quotidiens du lieu. De même, toutes les marchandises devaient être acheminées par bateau.

Et les coûts d‘entretien d’un tel lieu s’avéraient bien trop importants ne serait-ce que pour maintenir et restaurer les bâtiments en bon état.